L’intelligence des chevaux au travail

Dans la série « Un livre par moi », ce mois-ci je vous partage ma lecture « L’intelligence des chevaux au travail », un ouvrage qui rassemble des articles de Jocelyne Porcher, Sophie Barreau, Vanina Deneux Le Barh, Maria-Fernanda de Torres Alvarez, Charlène Dray et Chloe Mulier.

Cet ouvrage explore l’intelligence des chevaux dans différentes situations d’interactions avec l’homme, en s’inspirant de la définition de l’intelligence héritée des philosophes grecs, la « métis », soit la capacité à trouver une solution face à une situation nouvelle ou une difficulté, l’intelligence situationnelle ou l’intelligence de l’expérience. Une forme d’intelligence délaissée par les rationalistes à partir du siècle de Descartes, qui a été remise en avant par les sciences du travail à partir des années soixante-dix. Pour eux la métis s’appréhende par la corpspropriation, l’appropriation du monde par le corps et les sens. Le réel du travail correspond à tout ce qui est imprévu et imprévisible, et qui convoque l’intelligence pour y faire face. Pour combler l’écart entre la réalité et l’objectif, le sujet mobilise ses apprentissages, ses connaissances, ses savoir-faire, ses expériences, sa personnalité. Ce remaniement du réel donne cette corporéité au travail, son caractère subjectif et vivant. C’est ce que le collectif « Animals Lab » se propose d’étudier, à partir de nombreux terrains où humains et animaux collaborent dans le travail.

Cette intelligence des chevaux n’est pas une notion nouvelle, loin de là, et est présente dans de nombreux traités d’équitation, de Xenophon à Baucher. Pour ce dernier « Le cheval a la perception comme il a la sensation, la comparaison et le souvenir, il a donc le jugement et la mémoire, il a donc l’intelligence ».

Cette intelligence est difficile à théoriser ou généraliser, de par son caractère pratique et individuel, elle est l’expression des personnalités, et ne peut donner lieu à une connaissance stable et universelle, c’est ce qui la dessert le plus.

Je mettrai en avant deux des sujets abordés dans l’ouvrage, le travail d’éducation des chevaux à l’école Blondeau, suivi par Sophie Barreau et Jocelyne Porcher et le travail à partir de la Trust Technique suivi par Chloé Mulier. Ceux-ci convergent dans leurs conclusions, à savoir que l’intelligence dans le travail se développe par l’affect et la présence, préalables indispensables à la mise en place d’une relation de confiance.

La méthode de l’école Blondeau considère que le travail demande d’accepter une autorité respectueuse pour pouvoir coopérer. La confiance établie, les chevaux se transforment, s’émancipent de leur nature peureuse pour se lancer dans des actions qu’ils n’auraient jamais oser réaliser ni même envisagées parce que certaines situations n’existent pas en dehors de la relation avec les humains. La mise en confiance passe par l’écoute, l’affect, la voix, le contact tactile, car la recherche de calme et de coopération passe par le corps. L’humain devient le référent qui va guider le cheval une fois cette confiance acquise, et apporter la sécurité et le réconfort dont le cheval a besoin. On parle de compréhension symbiotique, d’engagement intersubjectif qui repose sur l’intelligence des esprits et des corps.

La Trust Technique fait elle aussi appel à l’intelligence du cheval pour coopérer avec l’humain. Elle renforce la confiance grâce à l’apaisement, une approche en pleine conscience visant à réduire l’activité mentale des chevaux et humains au moment de leur interaction. Le lien est créé en proposant cet état de présence. Cette relation apaisée aide le cheval à surmonter des situations problématiques, en y ajoutant la gratitude pour chaque acte accompli dans le calme, et enfin à développer une relation de coopération et d’engagement.

L’ouvrage se conclut avec la phrase suivante « Que l’on ait deux ou quatre pattes, c’est bien dans le plus grand calme que la plus grande intelligence ou intuition peut émerger. Il est alors possible de communiquer et d’échanger sur cette base apaisée, pour aller vers un travail de pleine coopération et entente mutuelle ». Cette phrase me parle tant elle renvoie à mon métier passion d’aujourd’hui, car l’équi-coaching met en pratique ces mêmes principes. Il aide les humains à se reconnecter à leur corps de manière apaisée, pour réussir à entrer en contact avec le cheval. Il aide à apprendre à être présent à soi pour pouvoir être présent à l’autre, et développer des relations harmonieuses et constructives, dans votre vie personnelle et professionnelle. Et chaque interaction révèle quelque chose de personnel et intime qu’il est très difficile d’expliquer, autrement qu’en faisant l’expérience par vous-même.