J’ai lu avec plaisir cette nouvelle édition de « La Peur des Autres » de Christophe André, Patrick Légeron et Antoine Pelissolo et j’ai eu l’occasion de rencontrer Patrick Légeron lors d’un évènement organisé par le Club RH ESSEC.
Un thème incontournable, tant nous passons notre vie d’être social à osciller entre notre besoin des autres et nos difficultés à être et communiquer avec eux.
Les auteurs analysent ici les types de peurs, ensuite comment celles-ci se manifestent, puis les niveaux de peurs, d’une appréhension normale à la phobie sociale. Dans un deuxième temps il s’agit de comprendre les origines de ces peurs, et enfin, d’explorer comment les vaincre.
Ces peurs sont de 4 « formes différentes : il peut s’agir d’une peur de performance – réussir une présentation devant un groupe de collègues – d’une peur de se dévoiler – en ayant à entrer en contact et à échanger avec une personne en dehors d’un contexte parfaitement codé et à aborder des sujets personnels – d’une peur de s’affirmer – demander quelque chose à quelqu’un – et enfin d’une peur encore plus pernicieuse, celle d’être observé – en faisant quelque chose, ou tout simplement en circulant dans un lieu public. Il y a évidemment une graduation dans ces types de peurs, et ceux sujets à la dernière forme sont en général sujets à toutes les précédentes. Toutes ces situations ont évidemment quelque chose en commun car elles exposent au regard et au jugement de l’autre.
La peur se manifeste de manière physique comme une forme de stress, qui fait appel à nos réflexes archaïques, avec une libération d’adrénaline, une augmentation de la fréquence cardiaque, du rythme respiratoire, une dilatation des vaisseaux sanguins, et une contraction des muscles. Des réactions utiles, qui permettent de faire face à des situations menaçantes, or en général ces menaces sont plus imaginaires que réelles. En effet, dans la tête de l’anxieux social, une machine implacable se met en route qui lui livre une perception négative de lui-même et de son environnement – ce que disent ou pensent les autres, comment ils vont réagir. Ces craintes sont présentes avant que la situation délicate ait lieu – sous forme d’anticipation – pendant qu’elle se déroule – sous forme de focalisation sur soi et d’hyper-vigilance – et après qu’elle se soit déroulée – sous forme de honte ou de regrets, en ressassant des « erreurs » commises, et amplifiant leurs conséquences. Ce phénomène s’auto entretient car ce stress peut créer des comportements inadaptés qui viennent justifier l’appréhension de ces situations qui nous exposent aux autres.
La psychologie cognitive nous pointe vers le modèle de la double évaluation, où l’anxieux sous-évalue ses propres capacités à faire face à une situation et surévalue les risques qu’elle présente, en raison de biais cognitifs. En effet une tension importante fait perdre à l’esprit sa fluidité et sa souplesse, et nous prive d’informations essentielles. Or les anxieux souffrent d’un double piège, où ils ont à la fois une conscience d’eux-mêmes douloureuse et excessive, et un besoin de reconnaissance et d’approbation d’autrui. L’origine est peu connue, un mélange d’inné et d’acquis. La gêne vis à vis de l’autre a été utile à la création de notre civilisation, car elle est un signe non-verbal d’apaisement et de non agression et a permis la constitution de communautés plus larges. Les expériences de vie et le modèle familial jouent aussi un rôle. La société d’aujourd’hui qui idéalise l’image de soi – à travers les réseaux sociaux, n’aide pas, de même que le développement de relations virtuelles, car l’évitement cristallise l’anxiété sociale plutôt que de la résoudre.
Aborder ces sujets n’est pas aisé, car la médecine traditionnelle a longtemps occulté la souffrance et l’angoisse, et que les anxieux ont construit des murs autour de leur douleur qui rend la prise en charge délicate. Les auteurs s’accordent à privilégier les thérapies comportementales et cognitives, lorsqu’un anxieux décide de faire le premier pas. Il s’agit alors d’aider l’anxieux à affronter ces situations, en apprenant à contrôler ses pensées excessivement négatives, et de profiter de ces instants de calme relatif pour développer un savoir-faire relationnel. Surtout, faire face, ne pas fuir, être dans le détail et dans le concret sur ce qui se passe pour réduire les bruits négatifs, et modifier petit à petit une vision angoissante du monde. Les auteurs mentionnent aussi des approches complémentaires qui ont fait leurs preuves : les anti-dépresseurs – en phase initiale surtout, la méditation de pleine conscience et la thérapie d’acceptation et d’engagement, pour rendre la pensée plus flexible en élargissant son champ de conscience.
Ce livre passionnant fait écho à mon travail quotidien, où j’aide mes clients à développer leur présence à eux-mêmes pour améliorer leur relation à l’autre. Se poser, s’ancrer, enveloppé par la présence bienveillante et chaleureuse d’un être qui ne vous juge pas et vous impose de vous écouter – le cheval. Expérimenter des choses nouvelles aux côtés du cheval, en apprenant à respecter ses seuils de vulnérabilité, prendre une pause si l’agitation est trop élevée pour se reconnecter au présent, au calme, et pouvoir accéder aux ressources de son être et continuer d’avancer, en prenant conscience pas à pas que la confiance construit la confiance.
Je suis convaincue que nous sommes tous, chacun à des degrés divers, forcément anxieux sociaux.
Accepter cette part de nous, sans renoncer aux qualités d’écoute qu’elle a développé, participe aussi de la qualité de nos relations interpersonnelles.